La lutte contre les Modernes est vive en 1726, et Marivaux se voit accuser, dans le Dictionnaire néologique, de déformer la langue. Or, ce n’est pas lui qui a inventé l’expression « tomber amoureux » ; nous en avons rencontré des occurrences bien antérieures chez Regnard. Elle figure dans une pièce de l’ancien Théâtre-Italien, Les Momies d’Égypte de Regnard et Dufresny (mars 1696), dans Le Bourgeois de Falaise de Regnard (aussi appelé Le Bal), représenté en juin 1696 à la Comédie-Française, et enfin, dans Le Joueur de Regnard, donné en décembre 1696 à la Comédie-Française également. Le Marquis, fanfaron, se vante auprès de Valère de son pouvoir de séduction sur la Comtesse (III, 9) : « J’ai sur certaine femme / Jeté, sans y songer, quelque amoureuse flamme. / J’ai trouvé la matière assez sèche de soi ; / Mais la belle est tombée amoureuse de moi. » Marivaux connaît très bien cette pièce : il emprunte à ce même marquis la phrase que prononce Arlequin à la fin du Jeu de l’amour et du hasard, « Allons, saute, Marquis » ; il s’en inspire aussi dans La Seconde Surprise de l’amour pour la lecture par Hortensius de livres de philosophie et pour les réflexions sur Sénèque. C’est assurément du Joueur qu’il a pris l’expression. Marivaux, candidat à l’Académie française en 1736, fut refusé en ces termes : « Notre métier à l’Académie est de travailler à la composition de la langue, et celui de M. de Marivaux est de travailler à la décomposer. » Pour ce qui est de l’accusation de néologisme pour « tomber amoureux », il doit être blanchi.